Le défenseur des droits a publié le 6 février 2025, une décision cadre sur les bonnes pratiques pour mener l’enquête à la suite du signalement d’un salarié.
Le salarié peut effectuer un signalement lorsqu’il estime qu’il est discriminé en raison de son handicap, de son âge ou en cas d’agissement de nature sexuelle ou de propos sexiste.
L’employeur est tenu d’ouvrir une enquête pour discrimination et de prendre des mesures conservatoires pour protéger la victime présumée. L'employeur est tenu de réagir avec célérité dans les 2 mois du signalement. Le défenseur des droits recommmande que l'enqête soit ouverte dans un délai raisonnable
L’employeur est également tenu de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité du salarié au regard des faits dénoncés.
L'employeur doit préserver la santé et la sécurité de la victime présumé à la suite de son signalement.
Une mise à pied conservatoire, un placement en télétravail peuvent ainsi être décidés à l’égard de la personne mise en cause pendant l’enquête à titre temporaire, pour l'éloigné de l'auteur du signalement.
Ces mesures sont justifiées par l’obligation de l’employeur de préserver la sécurité et la santé des salariés.
Recommandations du défenseur des droits:
12. À titre de mesure de protection, il est primordial que l’employeur permette àla victime présumée de ne pas côtoyer la ou les personnes qu’elle a mise(s) encause, et ce dès le stade de l’enquête, afin de garantir sa sécurité et sa santé.
13. La Défenseure des droits recommande aux employeurs de veiller toutparticulièrement à l’effectivité de la protection des victimes présumées en
affectant, si nécessaire, les conditions de travail de la personne mise en cause,et non celles de la victime présumée. En effet, changer les conditions de travailde la victime présumée pourrait constituer une mesure de représailles prohibée
.
En pratique, il existe de fortes disparités, l’intérêt de ce recueil, est de proposer la cadre afin d’assurer étape par étape, avec des recommandations et des illustrations, comment mener une enquête.
Les recommandations du Défenseur des Droits, s’adressent aux employeurs et également aux victimes d’une situation de discrimination. Elles permettent aux salariés, de comprendre le déroulé et les enjeux de l’enquête en matière de discrimination.
En 2021 seuls 755 saisines ont été reçues par les dispositifs de signalement, 61%concernaient des cas de harcélement moral, 23% de discrimination et 16% de violences sexistes ou sexuel Le nombre de saisinne est faible. En pratique peu de salariés efectuent un signalement
L’intérêt de ce guide est qu’il est illustré de nombreux exemples, ce qui permet de mieux appréhender les enjeux d’une enquête.
Ce guide s’adresse également aux inspecteurs du travail et aux médecins du travail, ainsi qu’aux personnes qui accompagnent et conseillent les victimes de discrimination.
En effet " Une enquête sérieuse bénéficie à l’ensemble des parties. Elle permet de recueillir de façon sécurisée la parole des victimes et témoins et de les protéger d’éventuelles représailles, de matérialiser les faits, de décourager leur réitération, de respecter la présomption d’innocence, de justifier la sanctionou l’absence de sanction décidée contre la personne mise en cause et de remplir l’obligation de sécurité prévue pour l’employeur privé et public. Il est en ce sens de l’intérêt de l’employeur de diligenter une enquête sérieuse. "source la décision cadre
En l’absence de cadre, les pratiques étaient très disparates d’une entreprise à l’autre. Certaines entreprises disposent d’un dispositif de signalement en interne. Le service juridique ayant procédé à la rédaction d’un manuel.
Parfois, avec la mise en place de référents harcèlement, numéro d’appel et lignes dédiées…D’autres entreprises n’ont pas de cadre définissant le déroulé d’une enquête interne et/ ou externe.Il est impératif de metttre en place et de porter à la connaissance des salariés les dispositifs d'écoute et de receuil du signalement. Ces derniers doivent être accessibles: chat en ligne, email,ligne dédié etc..
En pratique, l’enquête peut être confié à un cabinet externe ou être réalisée en interne.
Les enquêtes ont pour objectifs de rechercher s’il existe un faisceau d’indices convergents, laissant présumer une situation de discrimination.
Si l’enquête confirme que le salarié est effectivement victime d’une discrimination, dans le cas où l’auteur est clairement identifié, ce dernier doit être sanctionné par l’employeur.
Il est donc essentiel, eu égard aux conséquences, que la méthodologie soit rigoureuse.
C’est pour cette raison que le Défenseur des Droits, a publié une décision cadre, afin de permettre de recueillir de façon impartiale et sécurisée « la parole des victimes et témoins, pour les protéger d’éventuelles représailles », afin de faire la lumière sur les faits signalés.
L’employeur a intérêt à diligenter une enquête sérieuse, afin de satisfaire à l’obligation de sécurité qui pèse sur lui.
A défaut, l'employeur s’expose à des sanctions.
Attention à la méthologie quand aux auditions des salariés. Assurez vous que les entretiens soient signés par les salariés.
La cour de cassation a jugé le 12 mars 2025 (pourvoi 023-18.111) qu'un rapport d'enquête contenant des comptes rendus non signés ne peuvent servir de preuve pour valider un licenciement pour faute grave .
Distinguer les étapes du traitement du signalement, allant de la mise enplace du dispositif de recueil du signalement (I) au déroulement de l’enquête interne(II), incluant les éventuelles suites disciplinaires.Signalement et/ou alerte ?
Dans le langage courant, les termes « signalement » et « alerte » sont parfois utilisés de manière indifférenciée pour désigner le fait de porter à la connaissance d’une autorité une situation afin qu’il y soit remédié.En termes juridiques, la notion d’alerte renvoie à une catégorie particulière de
signalement, régie principalement par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de lavie économique, dite « Sapin II » et par certaines législations spécifiques de protection des lanceurs d’alerte.
Un signalement en matière de discrimination peut ainsi être qualifié d’alerte si lesconditions prévues par cette loi, ou par un régime spécifique, sont remplies.La qualité de lanceur d’alerte répond à une définition précise. Elle entraîne parailleurs l’application de règles particulières, qu’il s’agisse des conditions danslesquelles le signalement (« l’alerte ») est recueilli et traité ou des conditions danslesquelles le lanceur d’alerte est protégé.
Selon la définition générale issue de la loi dite « Sapin II », un lanceur d’alerte es« une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financièredirecte et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menaceou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulationd’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé parla France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondementd'un tel engagement, du droit de l'Union européenne, de la loi ou du règlement.Lorsque les informations n'ont pas été obtenues dans le cadre des activitésprofessionnelles mentionnées au I de l'article 8, le lanceur d'alerte doit en avoir eu
personnellement connaissance. ».
Il résulte de cette définition que le lanceur d’alerte est une personne qui entreprendune démarche qui dépasse sa situation personnelle. La victime qui agit dans le seul17 D. n° 2020-256, 13 mars 2020, relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de
discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes, art. 2.9but de remédier aux agissements dont elle fait elle-même l’objet ne peut ainsi être
qualifiée de lanceuse d’alerte18. En revanche, un témoin d’une situation dediscrimination ou la personne qui dénonce une pratique qui excède son propre caspeuvent être qualifiés de lanceurs d’alerte.Dans le cas d’une alerte, les obligations de l’employeur en matière de recueil et de
traitement des signalements sont renforcée
.Ces obligations sont précisées dansla loi dite « Sapin II » et son décret d’application19. Ces textes imposent en particulier
la stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnesvisées par celui-ci et des informations recueillies. Ils précisent que l’employeurdispose d’un délai de sept jours pour accuser réception du signalement et doitcommuniquer au lanceur d’alerte, dans un délai raisonnable n'excédant pas troismois, des informations sur les mesures envisagées ou prises pour évaluer'exactitude des allégations et, le cas échéant, remédier à l'objet du signalement ainsique sur les motifs de ces dernières. L’employeur n’est pas tenu de traiter l’alertedans le délai de trois mois mais doit ainsi justifier qu’il a engagé des actions en ce sens (par exemple l’ouverture d’une enquête interne). Ces textes prévoient en outre
une protection particulière en cas de représailles.
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Toutes les entités (publiques ou privées) de plus de cinquante salariés ou agents doivent mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des alertes.Elles ont le choix de mettre en place une procédure unique, ou des procéduresdistinctes selon la nature du signalement. Dans tous les cas, la procédure applicableaux lanceurs d’alerte doit respecter les exigences spécifiques précédemment
rappelées.
Pour en savoir plus Sur cette distinction, cf. le Rapport bisannuel du Défenseur des droits sur la protection des lanceurs
d’alerte en France, 2022-2023, p. 27 et 28.
1 Loi « Sapin II », art. 8 ; D. n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de
traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte.
Loi « Sapin II », art. 10-1 ; guide lanceur d’alerte du Défenseur des droits, mars 2023 ; Rapport
bisannuel du Défenseur des droits sur la protection des lanceurs d’alerte en France, 2022-2023, p. 13
Les recommandations de la Défenseure des droits énoncées dans la présent décision-cadre ne traitent pas du cadre spécifique des alertes. Elles demeurent néanmoins applicables à celles-ci pour autant qu’elles ne sont pas contraires aurégime de l’alerte issu de la loi du 9 décembre 2016.
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